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Litter à taire

5 novembre 2013

La Main de Dieu était sur moi (3)

   Au moment de s’endormir, Bérenger repensa à la silhouette qui le hantait ; elle était si troublante qu’il en rêva toute une nuit. Il fit trois rêves : l’un irrémédiablement désagréable et dérangeant qui ressemblait aux effluves d’un cadavre, un autre au ton plus plaisant et plus agréable par comparaison au premier. Quant au dernier, qu’il fît après s’être brièvement éveillé dans la nuit noire, il s’agissait d’une de ces visions oniriques que les chimères de la nuit engendrent, une aventure terriblement séduisante dans laquelle la silhouette, en lui faisant miroiter et découvrir un savoir nouveau sur la vie, le troublait outrageusement.

   Le lendemain, dans la matinée, en songeant à tout ceci, il se demanda pourquoi cette forme éthérée sombre avait provoqué un tel tumulte au sein même de son âme. Au retour de son sens cartésien, il conclut à un accès de fatigue et de liesse qui l’avait assurément affecté. Le voyage jusqu’ici avait été dur et il avait perdu l’habitude du grand air de la campagne, qui le grisait comme une bonne bouteille. Vers dix heures, il se décida à retourner aux ruines, elles étaient – décidément – magnifiques.

   Mais, à son grand dam, plus aucune trace de l’ombre. Il conçut qu’il s’était peut-être trompé et après tout, son esprit, qui s’était indubitablement égaré, avait fini par occasionner cette scène de façon subjective. Pourtant « Il » avait l’air si réel ; derrière l’apparence nébuleuse, se trouvait un être charnel et solide. Ses pensées lui occupèrent l’esprit pendant toute la journée. Vers huit heures du soir, il était entrain de prendre une collation lorsque quelqu’un frappa à petits coups la vitre d’une des fenêtres. Bérenger se leva doucement pour prendre le temps de dévisager la personne qui se tenait debout, avec un large sourire, juste devant cette ouverture sur le jardin. Il reconnut un de ses amis d’enfance.

—     Arminius, s’écria-t-il en ouvrant d’un geste large les deux battants de la petite baie, c’est toi ! Quel plaisir de te revoir... Où ai-je la tête ! Viens, entre donc !

   Il se précipita à la porte et l’ouvrit avec délicatesse, il fit entrer son ami. Ils se serrèrent la main et se firent une accolade franche qui montrait l’émotion avec laquelle se retrouvaient les deux jeunes hommes.

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4 novembre 2013

Comedana

Nouvelle semaine, ouverture d'une nouvelle série de textes. Il s'agit d'un récit que je vous laisse découvrir, j'en parlerai plus profondément ultérieurement.

Excellente lecture !

Comedana                                       

Fin Juin 1999

 

                                   "Faites que votre peuple soit rempli d'une joie céleste, et que vos fidèles marchent avec ardeur dans la voie du Salut éternel"

 

   Lorsque nous fûmes sur le chemin, la pluie tomba drue. Les larges vallées s'étendaient sur les maigres horizons que nous offrait le paysage. Nous allions quitter l'endroit découvert pour la paisible protection de la forêt qui assombrissait une partie de l'ubac. Nous marchions sans doute depuis plus de trois heures car nous avions quitté le village alors que le Soleil ne commençait qu'à frôler l'horizon de son anneau de feu et, à ce moment, malgré les gouttes scintillantes de l'averse qui scindaient l'air ; nous pouvions voir, sous les nuées passagères, vers le ponant, la complice étoile se coucher. L'étoile qui avait rythmé la vie de mes ancêtres. La Trompeuse qui se fait passer pour ce qu'elle n'est pas. Tant de fois, son croissant aigu et éclatant était venu me faire la nique comme un sourire odieux. Je ne pouvais pourtant point la haïr ; son ironie n'était normalement pas faite pour me blesser et faire couler le sang noir de mon cœur. Son ironie était sa connivence car seule elle, pouvait nourrir mes espoirs. Lancés à la voûte céleste, ils retombaient, en fragments d'ailes de papillons, chassés par les oreillards et les pipistrelles. Mes prières, montées aux cieux, me revenaient sous forme d'offres de souhaits ou de vœux furtifs qui créaient dans mes yeux la lueur du possible. Tant de temps avait déjà été perdu qu'il fût difficile de rattraper. Au point qu'encor maintenant, il m'en manque toujours une partie. Mais, à cette époque, je n'aurais pas pensé faire l'oraison de ce temps perdu. D'autres l'avaient fait tellement bien avant moi ! Et puis même, il était déjà trop tard ou encore trop tôt... Toujours est-il que l'ancienne clarté de la première lueur de la nuit me brûlait et me rendait cramoisi.

3 novembre 2013

Le Thanatodrôme

Suite à une petite erreur dans les parutions des articles de ce blog, dont je ne m'aperçois que maintenant. Je mets en complément, pour la journée du 3 novembre, un texte complémentaire.

Il s'agit d'un poème que j'ai écrit en jouant sur les allitérations (sons consonnantiques qui reviennent souvent pour marteler et créer des effets d'échos). Le rythme est relativement régulier, mais à mesure qu'approche la découverte du Thanatodrôme, il se destructure. Les rimes apparaissent et disparaissent, elles aussi.

C'était un texte prévu à l'origine pour être chanté en format rap. Cette création n'a malheureusement jamais vu le jour, à moins que l'un de mes littérataires décide de le mettre en musique.

 

LE THANATODROME

 

Le long d’une pige d’arpéges,

S’étend sa parole pourrie,

De pleines pages emplies de drames

Mis, par lui, entre parenthèses.

 

Déjà, au loin, dans notre vallée discrète,

Entre les vaux de bétons encaissés,

Gisent les sarcophages encimentés

De nos cerveaux par la vie étriqués

Comme la déesse déchue qui dort, Sekhmet.

 

Dans sa tête, un martèlement

Tape ses tempes en le traquant.

En taisant tout, il veut tenter

De trahir et de travestir

 

Les vestiges tombés dans les hauts tombeaux

De sa petite raison dont il trame

Les litanies et les belles oraisons

De l’équivalent de mauvaises âmes

Sans espoir même de revoir l’horizon.

 

Mais Sekhmet s’éveille et jette ses rayons

Sur les tours vieillies en les étalant

Et en en faisant choir des corps

Dans la poussière des villes évanescentes

 

Or, déjà, devant nous, s’ouvrent des portes

Mais, celles-ci, ce seront les dernières.

Le vent sec dans nos voiles nous emporte,

Nous mène et couche, raides, dans les bières

Alors, devant nos âmes effrénées

Et nos yeux effrayés apparaît

Le Thanatodrôme.

3 novembre 2013

Lamentations (L'Appétit lubrique)

Poème à double ou triple détente qui fait écho à celui publié hier. Je vous laisse découvrir comme hermétique et érotique s'interpénètrent.

Je voulais écrire un poème plein de joyeuse verve.

Comment cela, il y a aussi une double ou une triple détente à mon commentaire ? Mais non, voyons...

 

LAMENTATIONS

L’appétit lubrique

 

Oh, Dieu, Bou ! Je m’habite bien;

D’une façon trop pernicieuse

Lorsqu’elle sera là, à Moncuq,

Prés de sa Reine met ses pas

Seulement que par ce coin là.

 

Montre et bats vite, en ne cherchant

Qu’à pénétrer l’antre cuit, sage

Noue où, pour rat être tenu

Dans la nue, sans supplice, mais

Délices, en banc, dans Fort-Eumans.

 

Bourg ! Fourqueu, belle et talons, ville

Te maudissant, le Comte est dur

Hêtres sus haies, eaux vives, sang

Mort Dreux, la Fée, la Sionne, va

Passant (vers) la lande Moncor

 

Pour – je t’espère mou – fou te rage

Afin de mieux t’énerver et

Te voir venir, dansons, corps sage

Comme dans un nid dorloté

Par ses “car est-ce demain” sauvages...

                                                Avril 1999

2 novembre 2013

Réjouissances

En ce samedi, jour des Morts, je vous livre un poème vivant qui se passe de bien des commentaires. Il est assez clair, je crois ;op

Bonne lecture à mes littérataires !

 

REJOUISSANCES

 

De fait, un perpétuel va et vient,

Use ma tête; brûle mes reins.

Le frénétisme de mon étreinte,

Sur l’agile échine, je l’éreinte.

A la merci, aux bords de tes mains,

Sans mal me brusquer, tu me contiens.

 

Je n’ai plus qu’à espérer t’avoir,

Te terrasser grâce à mes atours,

Te mortifier par ma lame chère...

Lorsque je te caresse, je serre

Ce que nos transports changent en tour.

Alors, je sens arriver l’espoir,

 

Qui, sans dévoiler ce que je veux,

Me laisse entrevoir ton air sérieux

Et la façon dont tu vas déchoir.

Quand tout arrive, calme tes feux,

Sur ton corps lassé, j’ouvre les yeux.

Quant à tes charmes, tu les fais miens.

 

Le 16 Novembre 1999

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1 novembre 2013

Il empio Macigno (Scène 3)

Il empio Macigno (le Roc impérieux)

Troisième scène

 

   L’aspect général est sombre, presque noir. Il est possible que l’on ne voit que les visages des personnages, leur bouche, la lèvre inférieur. Peut-être sont-ils autour d’un feu invisible, mais aucun geste ne doit l’indiquer. Nous ne voyons pas leur main.

 Le personnage couché : C’est magnifique, tu sais. Jamais, je n’aurai pu croire que nous puissions les voir. Merde, si j’avais su, tu sais… Si j’avais su que… toi et moi, on serait un jour en train de les voir, je crois pas que…

Le second personnage, se levant et faisant quelques pas : Putain, moi aussi, je crois pas que j’aurai pu un jour. Là. Juste là. Pendant si longtemps, ça n’aurait pas été possible avant. Avant tout ça, jamais, jamais.

Le personnage couché, candide : Tu crois franchement qu’on aurait pas pu ? Moins fort, presque à lui-même. Survivre avec nos têtes de connards ?

Le second personnage : Je sais pas. Tout ce que je sais, c’est que je les ai vu encore une fois et que ça, c’est pas mal. Putain, c’est la première fois qu’ils sont si forts. Enfin, je veux dire que c’est la première fois que je les ressens si fort. Ils me pénètrent. Putain, regarde-les sous ma peau. Ils me font flipper. Ils grouillent, ils courent, ils montent jusque-là, ils feraient presque tout péter si je ne les empêchais pas. Mais, ils passent partout et nettoient, ouais, je crois que c’est ça, ils nettoient tout ce qu’il y a à bouffer là. Il s’arrête, un temps. Il regarde au loin, mais ne semble pas vouloir regarder trop l’horizon. Il reprend d’un ton neutre. Et t’as peur toi ?

Le personnage couché réfléchit quelques secondes, va pour répondre mais le second personnage l’en empêche.

Le second personnage : Attend, attend, je t’ai pas demandé de le dire, juste, peut-être de le montrer. Mais, ça, oui ça, je sais pas trop. Je suis pas comme toi. Ca, je l’ai toujours su, pas toi, je sais pas comment tu fais ! Tu les oublies tous…

Le personnage couché, éhonté : C’est pas vrai ! Tu veux rien comprendre. Tu crois que je le peux, tu crois que je me baisse pas parfois, si près de mes pieds que je semble dominer chaque action par l’art de ne rien faire.

Le second personnage, l’invectivant : Contorsionniste !

Le personnage couché : Non, je crois pas… Mais je suis pas sûr. C’est juste ma façon de prendre de l’envol comme tu le disais avant. D’ailleurs, j’ai pas oublié la peur avec ça. Mes lèvres se mouillent encore de la sécheresse de ma langue. Ca m’arrive de la passer comme ça. Il fait le geste, mais il a une moue de dégoût. Et de me dire, non, décidément, ça sera pas aujourd’hui ! Pas aujourd’hui pour lui non plus. Lui non plus. Et je me le répète, encore et encore. Il refait le geste. J’y arrive pas, t’entend, j’y arrive pas !

Le second personnage : Et dans ces moments là, t’as peur ? Il passe son doigt sur ses lèvres et les tire. Ouais, c’est assez drôle ! J’ai pas de problème, enfin, j’ai pas ce putain de problème… Ca change pas grand-chose, hein ?

Le personnage couché qui effectue avec suavité plusieurs tours de langue sur ces lèvres : Non, mais… Je crois que là c’est mieux. Alors, et alors seulement, comme le disent les meilleurs contes…

Le second personnage : Les meilleurs contes ? Les meilleurs contes sont souvent les plus anciens, non ? Les plus anciens, ce sont eux les meilleurs, les seuls que je puisse regarder les yeux dans les yeux.

Le personnage couché : Oui, c’est vrai… Donc, alors et alors seulement, je me rassure. Je crains moins et j’ai moins peur.

Ils s’arrêtent tous deux, il semble faire encore un peu plus sombre, presque l’obscurité.

Le personnage couché : T’es un beau salaud, tout de même, de ne pas avoir dit qu’elles étaient si grandes et si dures !

Le second personnage, marmonnant comme embêté : Arrête un peu avec ça. Un temps. D’une voix solennelle. Même malgré la mort, elle partit au loin. Par le grand voilier… Par le grand voilier… Les matelots… Je sais plus ! Les matelots étaient… Les matelots… Chaleur et meilleur espoir. Ô Chrysanthis, Chrysanthis la reine des catins. Les matelots étaient, étaient, ils étaient quoi déjà ?

Le personnage couché : …étaient fiers de partir de cette plaine. De cette plaine, où leurs épouses contractaient avec d’autres hommes, d’autres hommes qui partiraient, dans le centre bleu et magique de la terre, en oubliant Chrysanthis, Chrysanthis, la mère de toutes les catins. La moins vierge de toutes les saintes ! Ô Chrysanthis !

Le second personnage, un large sourire : Tu te souviens de tout cela ! C’est la première fois, non ? Ca fait toujours bizarre, quand c’est la première fois. Ca passe pas et c’est ça qu’est bien. Ouais, je crois que c’est vraiment ça qu’est bien.

Tous les deux, le sourire retrouvé : Et nous réclamions, Chrysanthis, Ô savoureuse Chrysanthis, chante-nous encore ta chanson, ton impressionnante chanson, celle des moments et des heures qui s’écoulent dans tes temps immémoriaux. Ô Chrysanthis, Ô Chrysanthis. Tu te troublas cette première fois lorsque tu reconnus ton amant le plus beau de tous tes amants. Ô Chrysanthis ! Puisses-tu encore nous chanter la noble chanson de ta lignée, à jamais… A jamais…

Le second personnage : A jamais ? Vraiment, à jamais ? Si jamais, ma petite maison, dans laquelle je dors tous les soirs…

Le personnage couché, l’interrompant : Dormais !

Le second personnage, comme interrompu dans une rêverie : Comment ? Quoi ? Qu’est-ce tu dis ?

Le personnage couché : Tu penses encore à ça ?

Le second personnage : Oui, pourquoi ? Tu vas pas me l’interdire ? Monsieur va me l’interdire ?

Le personnage couché : Si je veux, ouais !

Le second personnage : Tu parles. Justement, c’est ça le problème : tu parles.

Le personnage couché, semblant s’isoler par ces paroles : Prendre de la hauteur, serrer les dents et surtout, penser que les autres n’arriveront jamais à vos capacités. Vous êtes un self-made-man et vous allez forcément réussir. Le monde est fait pour vous. Il accélère, disant les mots qui restent presque d’une seule et même traite. Un-monde-où-femmes-et-enfants-sont-vôtres-un-monde-résidentiel-dans-quelques-quartiers-dont-apprécierez-l’ordre-et-le-calme-un-monde-où-les-valeurs-les-plus-élémentaires-seront-celles-de-votre-belle-famille-un-monde-pour-lequel-l’argent-et-la-réussite-seront-votre-force-votre-destinée-vous-ouvrant-tout-grand-les-bras-sans-oublier-votre-fidèle-et-toujours-serviable-chien-un-monde-fait-exclusivement-pour-être-heureux-un-vrai-monde-VOTRE-monde-oui-nous-disons-bien-VOTRE-monde-si-vous-le-voulez-bien-un-monde-vous-ouvre-les-bras-et-ne-demande-que-vous-que-vous-et-toute-votre-famille…

Le second personnage : La sainte famille, le bonheur même. Je vois ça d’ici. Mais oui, t’aurais été beau dans ce monde-là toi. Forcément, toi, toi, si peu important dans notre monde, ça aurait été idéal pour toi, pas à se battre, jamais, ni même se soulever, jamais, contre rien, rien à redire à rien, jamais, jamais l’échine courbée, jamais de quoi te la courber, ils disent, fabuleux comme monde ! Idéal complètement idéal ! Fabuleux ! Tu m’entends ? FA-BU-LEUX ! Mais, tu trouves pas que ce monde, c’est déjà un peu le nôtre hein ? T’as toujours jamais voulu voir, savoir, apercevoir, apprendre. Ne serait-ce que quelques secondes, parmi toutes les autres. Tu m’entends. T’aurais pas aimé de toute façon, parce que t’apprécies pas ce qui fait TON monde, TON vrai monde. Ecoute pas ses conneries, écoute pas ces conneries. Pas toi.

Le personnage couché : Non, j’écoute pas. Je me disais, simplement, putain que…

Le second personnage : T’as peut-être pas tous les torts de toutes façons, ça peut pas être entièrement de ta faute. Je le vois pas comme ça.

Le personnage couché : Voir le monde à la hauteur des pieds, c’est peut-être cela non ?

Le second personnage, désignant peut-être quelque chose : C’est peut-être elles qui ont raison, finalement ?

Le personnage couché : Elles semblent toujours avoir le dernier mot. Sauf en ce moment. Il y a d’autres trucs qui nous mènent ailleurs. Enfin, qui les envoient de partout. Elles surgissent, mais ne reparaissent pas. Et eux, d’où sont-ils, eux ?

 

Nuit totale ?

31 octobre 2013

La Main de Dieu était sur moi (2)

Suite du texte publié mardi... Où le héros a des préférences pour la pénombre et y fait des découvertes.

La Main de Dieu était sur moi (2)

   L’odeur de la ville, il ne pouvait plus la supporter. Mais, une dernière fois avant son voyage, il voulait s’en emplir, s’en repaître pour s’en dégoûter et se dire qu’il ne la sentirait plus avant longtemps !

   La campagne s’ouvrait enfin devant lui, il arriva dans l’ancienne bâtisse que lui avait légué ses parents. Il en ouvrit toutes les fenêtres. Autant il y en avait, autant il prit de bouffées d’air pur, une partie de l’odeur des champs et des prés que la brise parcourait, afin de chasser définitivement de ses poumons malades l’odeur de la ville. Ceci lui fit l’effet d’une cure purificatrice et raviva sa jeunesse endormie.

   Ses malles jonchaient le sol de son vestibule ; elles ressemblaient à ces paresseuses vaches qui paissaient dans le pré non loin d’ici. Ce spectacle étrange le fit devenir contemplatif, arrêté devant ce détail qui prenait une importance démesurée. Sa première journée dans la demeure passa fort rapidement, il fallait à la fois y mettre de l’ordre et s’y installer... Neuf heures du soir étaient passées, le soleil enflé semblait se rapprocher de sa Bien-aimée qui habitait derrière l’horizon, il rougissait de plaisir à l’idée de savoir qu’il dormirait avec Elle. Tout invitait Bérenger à sortir...

   Il fit quelques pas, s’installa sur un promontoire qui dominait la campagne. Au loin, un chien vint ajouter la touche sonore au tableau qui se dépeignait devant Bérenger. Le crissement des hirondelles et le haut chant des alouettes lançaient leurs gazouillis. Que de beautés qu’il avait pourtant omises pendant tant d’années. Il soupira très profondément, le soleil s’était couché derrière l’horizon. Il se leva et partit du coté opposé à la maison... Il regarda comme s’il les voyait pour la première et la dernière fois, les miracles de la Nature. Miracles bénis d’entre les siècles.

   Tout disparaissait comme caché sous une brume argentée jetant des poignées de cendres sur le paysage. Il marchait encore lorsque les cieux s’illuminaient de sa multitude de points d’or... Il arriva aux ruines d’un ancien château dont il ne restait plus que quelques pierres parsemées et qu’une arche, posée là, comme un édifice naturel. La nature avait, ici, réussi à reprendre ses droits ; c’est d’ailleurs elle – sans doute – qui avait continué à ronger le restant de remparts...

   Il passa sous le porche, un craquement fort singulier se fit entendre. Il tourna la tête vers sa droite et aperçut dans la pénombre une silhouette qui se détachait légèrement du gris bleuté qui l’entourait. Celle-ci avait la stature d’un jeune homme aux épaules larges et fortes ; mais fine et fort bien dessinée. L’apparition finit par ne faire plus qu’une avec la sombre immensité…

   Cette curieuse rencontre le troubla beaucoup dans son for intérieur.

L’église au loin sonnait déjà les onze coups, il était temps de regagner ses pénates...

 

30 octobre 2013

Automne

Poème, soyons immodeste, d'inspiration mallarméenne, bien de saison...

AUTOMNE

 

Sur la paille de bois et de cendre

Arrive dans l’or de l’arche grise

Peuplée d’enfants aux vermeilles, sises

L’automne aux lattes de palissandre

 

Au fur l’horloge aux oiselles ceintes

Pendue au céans bel de Cassandre

Ne veut voir ses épines descendre

Ni cheoir ses longues minutes Saintes

 

Sciemment, alors, l’homme se loge

Dans l’alcôve absconse de ses nuits

Puise l’ombre ourdie dans ses pertuis

Dont il sait l’antre close aux éloges

 

Et pur ne sait, sans qui nul qui n’ose,

Qui aura les dernières lueurs

De faite vie en perles de sueurs

Sauf celui que l’Hiver n’ankylose.

29 octobre 2013

La Main de Dieu était sur moi

Voilà la première partie de cette nouvelle assez proche d'un court roman. Je vais la publier en plein de petits extraits chacun avec leur cohérence.

C'est une nouvelle à laquelle je tiens beaucoup. Elle a, pour moi, une forte signification qui s'est revivifiée ces derniers temps. D'année en année, les choses se répétent et se font écho.

Elle est dédiée à A.G., garçon auquel j'étais très attaché à l'époque. Pour tout dire que j'aimais. J'ai réussi à sublimer (dans le sens alchimique du terme) ce que je ressentais et vivais pour en donner cela. La nouvelle a été commencée de mémoire aux alentours de 1999 et elle a dû être terminée un peu avant la fin de l'année 2000.

Je vous laisse la lire. Elle pourrait être désormais dédiée à d'autres personnes, tant il y a des traits communs entre toutes les amours...

 

La Main de Dieu était sur moi

 

A A. G.

 

   Comment expliciter clairement une relation aussi complexe ? Entre rapport de force et d’intellect. A la fois faite de chasteté et de luxure, entre Diable et Dieu...

   Les paradoxes des âmes sont parfois plus qu’inavouables, incompréhensibles pour quiconque serait insensible... La sensibilité à fleur de peau et d’âme, telle un clair-obscur insondable et étrange, un champs encore baigné de rosée qui vibre à la brise du Couchant...

   Eternel tel le gisant de ce jeune enfant aux membres depuis longtemps en Hiver, et qui, pourtant, semble respirer sous son léger linceul de marbre ! Le suaire non fermé désigne l’espoir fou de voir l’enfant se réanimer. Il est si blanc, si pur, enclin à cette beauté infantile qui n’existe plus...

   Comment ne pas mieux vous dépeindre cette relation qu’avec les couleurs changeantes des cieux lors d’une tempête ?...

 

« Malstrant, préparez-moi mes malles, je pars...

—     Bien Monsieur...

Nous étions en plein moi de juin et la chaleur étouffante était insupportable.

—     Pourriez-vous, reprit Bérenger, apprêter une voiture pour dans deux heures ?... Veillez à ce que Monsieur le Maréchal attelle les chevaux les plus puissants et les plus résistants, ses plus beaux coursiers...

—     Puis-je me permettre de poser une question à Monsieur?

Il acquiesça.

—     Votre voyage sera-t-il bien long et bien lointain pour que Monsieur décide de ceci ?

—     Sans doute...

Bérenger attrapa son chapeau posé sur une table ronde, robuste et épaisse, mit la main sur la clenche de la porte et interpella une dernière fois Malstrant, son si serviable domestique :

—     Laissez-moi une grande malle vide afin de pouvoir y mettre les livres que je désire emporter...

—     Bien Monsieur, répondit le domestique d’un ton las...

28 octobre 2013

L'Aveu

Voici donc un poème composé en 1999, dans une période agitée, qui ressemblait fortement à celle que nous vivons actuellement (je fais référence tant au temps assez agité qu'au déroulement général de la vie).

Je le publie même s'il est assez sensible sans doute surtout pour les membres de ma famille du côté paternel. Il faut dire que je tentais de vivre ma vie, mes aventures sentimentales et sexuelles, comme je le pouvais dans ce début de vie adulte. J'avais pourtant ce poids qu'il fallait soulager.

Ce poème est donc comme une manière d'exorciser tout ce qui me tiraillait. Je le livre ainsi.

Juste trois remarques de style : notez le rythme différent entre les strophes du début et de la fin avec le reste du poème, comme une scène d'exposition et un dénouement.

Tout est en synérèse pour donner une idée d'union, que les choses soient liées et reliées.

Enfin, la conservation d'un néologisme qui joue sur des significations et des sonorités significatives et signifiantes. Que vous ne manquerez pas de deviner.

 Bonne lecture !

 

 

L’AVEU

A l’approche de l’Avènement, presque deux fois millénaires;

Les nouveaux anges de Dieu, le soir des Mystères révélés,

Du pesant secret de mère, ont soulagé le cœur fatigué

Et de son âme éreintée, a jailli ce qu’elle a voulu taire.

 

Du noble Minotaure, autrefois dessiné

Une chose terrible a troublé le doux somme.

L’homme, tentant en vain, de vaincre le taureau,

Portant dans son dos, une pierre qui, en somme

De l’humain devait pouvoir déchirer la peau,

Prend, d’une main franche, le vieux fer atrophié.

 

Mon coeur et mon esprit n’y ont pas résisté;

Eux, qui se doutaient du feu de ce lien terrible -

Malgré la belle habileté pour le cacher -

Qui m’unissait bien à ce géniteur horrible.

Et par delà, l’être qu’il faudrait consacrer,

Je tenais à te dire, Père, que, renié,

 

Je ne te voue, de ma lèvre rouge étirées,

Guère en admiration, ni guère même encor

En mon cœur, qui, en abomination, a vu

La souffrance que tu as infligé bien fort,

Sans même nullement l’avoir un jour prévue,

A une femme vertueuse et adorée.

 

Bien que cela me fasse horreur, soit abhorré

Par ma très folle raison toujours salvatrice,

Je dois bien reconnaître que du plus profond

De mon être et de ma belle âme tentatrice,

Que je t’exècre pour les moments, où elle fond

En larmes pour ce qu’elle a perdu, déchirés

 

Imagines-tu pourtant dans l’Infinité,

Son Amour, ou même, sais-tu combien ses yeux

Sont déçus ? Es-tu seulement, pour le subir,

Encore là? Non, même parti dans les cieux,

Tu ne pourrais la voir ou la sentir souffrir,

Et voire, de tout, ne rien pouvoir lui ôter.

 

Bien sûr tu as voulu pouvoir crier “Liberté”;

Chose à laquelle je ne pouvais que répondre,

Sans que tu ne saches qu’en mon cœur, le combat

Se fait aussi rude, sans jamais se confondre,

Des deux attitudes - nulle foi ne tomba -;

Un court mot que nul ne sait prononcer: Fierté.

 

Saches que cet aveu ne m’a pas contenté,

Que, bien au delà, il a détruit amplement

Certaines de mes certitudes les plus pures,

Et qu’à cet instant, je doute terriblement

Qu’un jour, je puisse aimer, sans voiles, ni drapures !

Enfin, je crois que là n’est pas ma volonté.

 

Voici venu le jour sacré où l’esprit déjà entaché

M’a forcé à prendre le chemin brumeux, sans taches solaire,

Et sans même, désormais, être obligé de m’y bien complaire

Pour mieux apprécier ce qui m’entoure en m’y laissant attaché.

                                                Le soir du 5 Décembre 1999

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